L’évaluation environnementale des projets, plans et programmes à Mayotte

L’ Autorité environnementale vient de publier son rapport annuel pour l’année 2021, l’occasion pour nous de revenir sur son rôle et ses missions dans le contexte mahorais.

Une entité indépendante

L’ Autorité environnementale est une entité indépendante qui est en charge de rendre des avis sur des projets (par ex. une zone d’aménagement concerté (ZAC), un projet autoroutier, la construction d’un complexe hôtelier, l’exploitation d’une carrière de minéraux) et des plans et programmes (par ex. le schéma d’aménagement régional, le plan régional de prévention et de gestion des déchets, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux ou encore des plans locaux d’urbanisme) susceptibles de générer des impacts sur l’environnement ou la santé humaine1.

Elle veille principalement à la prise en compte des enjeux environnementaux dans la réalisation de ces projets et documents directeurs tels que les impacts générés par ceux-ci sur la ressource en eau, la qualité de l’air, les milieux naturels, les espèces animales et végétales protégées mais aussi sur le changement climatique de manière générale.

Dans ce cadre, le maître d’ouvrage, ou la collectivité en charge d’établir un document obligatoire, doit réaliser une étude d’impact qui consiste en l’évaluation des incidences des projets ou plans sur l’environnement et la formulation de mesures dites « ERC » qui visent à Eviter ces impacts, à les Réduire ou en dernier recours à Compenser les conséquences négatives de ces projets.

Une analyse poussée des projets et des plans et des avis accessibles à tous

Dans ses avis, l’Autorité environnementale commente l’étude d’impact (est-elle complète ? prend-elle bien en compte tous les impacts du projet sur les milieux naturels ? Les mesures ERC sont-elles pertinentes, suffisantes ?). Elle émet également des recommandations pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux.

Elle émet aussi des avis dans le cadre de la procédure de « cadrage préalable » afin d’orienter, s’il en fait la demande, le maître d’ouvrage sur le périmètre et le contenu de l’évaluation environnementale, les différentes études à mener, l’identification des enjeux environnementaux etc.

Pour les projets de moins grande envergure, certains sont soumis à un examen au cas par cas. Pour les projets locaux, c’est dans la majorité des cas le Préfet qui décide si le projet concerné doit être ou non soumis à évaluation environnementale en fonction des impacts potentiels du projet sur l’environnement2. Le rapport d’activité relatif aux autorités en charge du cas par cas pour les projets en 2020 est disponible ici.

Les avis de l’Autorité environnementale n’ont pas de portée juridique contraignante. Ils demeurent des recommandations et visent à:

  • Conseiller les porteurs de projets qui peuvent intégrer ses recommandations ;
  • Informer le public afin que tout citoyen puisse comprendre les enjeux environnementaux des projets et donner son avis dans le cadre de l’enquête publique ou de la procédure de participation du public ;
  • Aider l’autorité chargée d’autoriser le projet ou de valider le plan concerné, notamment le Préfet, dans sa prise de décision.


Un constat alarmant de l’Autorité environnementale sur les projets et plans soumis à son appréciation en 2021

Selon les membres de l’Autorité environnementale, « fidèle à sa mission, l’Ae ne détourne pas son regard. Elle analyse de nombreux dossiers de plans ou programmes censés engager une vraie transition écologique et des projets qui devraient y contribuer. Elle constate, dans ces dossiers, un écart préoccupant entre les objectifs fixés à moyen et long terme, les ambitions affichées pour les atteindre et les actes censés les traduire. Si la qualité du contenu de nombre d’entre eux s’améliore, significativement pour certains, en particulier grâce à des concertations approfondies en amont, les trajectoires n’amorcent que rarement les virages, voire les remises en cause nécessaires ».

Ils ajoutent que : « Si on ne l’anticipe pas, les limites planétaires et les effets de leur dépassement s’imposeront de façon implacable. Les plans, programmes et projets analysés cette année devraient dessiner un projet collectif qui nous y prépare. Alors que la crise sanitaire a révélé et aurait pu conduire à revoir des modèles à bout de souffle, les mêmes programmes, les mêmes financements, les mêmes projets qui auront, pour la plupart d’entre eux, des conséquences irréversibles sur une ou plusieurs dizaines d’années sont invariablement présentés. Conservatismes ou intérêts économiques, les freins conduisant à l’immobilisme sont nombreux. Certaines décisions sont même des régressions. »

De nombreux projets et plans mahorais examinés par l’Autorité environnementale ou la mission régionale

Au vu du développement économique et démographique exponentiel de l’île, le nombre de projets d’infrastructures est en nette augmentation. Nous sommes également en période de planification importante du territoire. Ainsi de nombreux projets et plans sont soumis à l’appréciation de l’Autorité environnementale ou de la mission régionale (MRAE).

L’ Autorité environnementale ou la MRAE ont déjà eu l’occasion de rendre des avis concernant des projets ou plans à Mayotte. Par exemple, avis délibéré de l’Autorité environnementale pour le cadrage préalable de la construction d’une piste longue sur l’aéroport de Mayotte-Dzaoudzi (décembre 2020), Projet de carrière de la société SCM Vinci à Kangani (976) (mars 2021), avis délibéré de la Mission Régionale de l’Autorité environnementale de Mayotte sur le Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) de Mayotte (juin 2021) Avis délibéré de l’Autorité environnementale pour le cadrage préalable du schéma d’aménagement régional de Mayotte (septembre 2021), avis délibéré de l’Autorité environnementale sur la zone d’aménagement concerté (ZAC) de Doujani sur la commune de Mamoudzou à Mayotte (février 2022).

Les avis de l’Autorité environnementale ou de la MRAE compétente à Mayotte peuvent être consultés ici et ici.

L’ Autorité environnementale consacre d’ailleurs quelques pages de son rapport annuel de 2021 à la situation de Mayotte, département dont « les caractéristiques sociales, économiques et environnementales en font un territoire en tout point particulier » (pages 108 à 113).

Après avoir rappelé les enjeux du territoire que l’on connait, elle rappelle la nécessité de prendre en compte les enjeux environnementaux dans la planification du territoire en cours et insiste sur le fait que des problématiques essentielles doivent être traitées en priorité.

S’agissant du projet de SAR, elle indique par exemple que « le projet de SAR se concentre essentiellement sur les infrastructures lourdes (routes, allongement de la piste de l’aéroport, université, centre hospitalier universitaire, nouveau siège du département). Il ne fait qu’évoquer, sans les préciser ni les programmer, les investissements en matière de ressource en eau, d’eau potable, d’assainissement, de gestion des déchets, des équipements qui devraient permettre de répondre aux besoins essentiels des Mahorais et seraient structurants pour l’aménagement du territoire et de nature à avoir des conséquences positives sur l’environnement et la santé publique ».

Elle note également que l’élaboration des nouveaux plans et programmes doit se baser sur des bilans précis des stratégies précédemment menées afin d’adapter les futurs actions et ajuster les besoins financiers. Elle souligne aussi la nécessité d’avoir recours à des indicateurs et des cibles chiffrées.

« Saisir l’opportunité de planifications cohérentes, pour répondre aux besoins du court terme tout en préparant un avenir durable ». Telle est la conclusion de l’Autorité environnementale pour Mayotte, que nous partageons entièrement.

En effet, Mayotte a de la chance d’avoir un environnement encore relativement bien préservé. Certes il manque encore des infrastructures essentielles sur le territoire. Mais il est nécessaire de prendre le temps de réfléchir à des solutions durables et cela implique de prendre sérieusement en compte les incidences des projets sur l’environnement.

Les porteurs de projets doivent aussi appliquer rigoureusement la séquence ERC c’est-à-dire qu’ils doivent veiller en priorité à éviter les impacts du projet sur l’environnement, à défaut prendre des mesures pour réduire ces impacts et si aucune autre solution n’est possible, proposer des mesures de compensation (par exemple, en cas de défrichement d’un hectare de forêts, proposer la replantation de 2 hectares de forêts à un autre endroit sur le territoire).

Nous rappelons que la compensation doit toujours intervenir en dernier recours. Planter des arbres c’est bien, mais éviter de déforester une zone et détruire tout un écosystème c’est mieux ! Un projet qui ne proposera que des mesures compensatoires sera, dans tous les cas, illégal.

Pour plus d’informations sur le rôle de l’Autorité environnementale, n’hésitez pas à contacter notre juriste, * via l’adresse email suivante : juridique@mayottenatureenvironnement.com

1 Deux précisions : 1°) Le Code de l’environnement précise les projets, selon certains critères, et les plans et programmes qui sont soumis à un examen par l’autorité environnementale compétente (cf. articles L. 122-1 et R. 122-2 et son annexe). 2°) Il existe en réalité plusieurs « autorités environnementales » notamment l’Autorité environnementale (Ae) du Conseil général de l’environnement et du développement, ses différentes missions régionales (MRAE) mais également le Préfet de région pour la procédure d’examen au cas par cas étudiée ci-après. En fonction de la taille ou de la localisation du projet mais aussi du maître d’ouvrage, l’autorité environnementale compétente sera différente.

2 Cf. note précédente

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